Ta violence c'est la mienne
Je l'ai reconnue
Elle bat en ton cœur
Pieds joints sautant sur le seuil

Irraisonnée et sans vertu
Ce n'est pas que tu hésites
C'est que tu as peur
D'être, par elle, mis à nu

Ma violence est persienne
Voilant un peu ma vue
Mais laissant percevoir
Mes blessures, ma noirceur

Insolente, elle s'insinue
S'invite sous des jours enjôleurs
Coule en mes veines
Aime jusqu'au mal qui m'enivre
Et au détour d'un moment
Me cueille
 

 

 
Gueule
Enfouie
L'humus
Te vomit
Une branche
Te pointe
Tu te réveilles
Sans toi

Le goût
Terreux
Les yeux
En bouche
Tu ne te réveilles pas
Tu n'es pas là 

Gueule
Ennemie
Marquée
De la nuit
Tu as veillé
Sur quoi?

Le dur
Matériau
A remplacé
Ta peau
Une boule
de papier
En guise
De velours

En toi
Tu as réveillé
Une gueule
De bois

Tu n'avais pourtant bu
Qu'un pâle bouillon d'illusions
Te réveilles la gorge aiguë
Veinée de fines lacérations

Ennivre toi du jour
Il a bien meilleure allure
Et retrouve l'amour
Aux points de suture

 
Dans ces yeux
Amoureux

Bois
Des
Gueules
De
Toi
 
 
 
 
 Je survole
Ma vie
Mes habits sur les toits
Je regarde
Mon quartier
Comme un jeu de l’oie

Des paupières
Remplies de rêves
Égouttent la pluie

Des nids de becs
Ronds d’impatience
Piaillent en harmonie

De longues pailles
Aspirant la colère
Crachent leur suie

Je décroche
Ma vie
Mon décor se déchire
Je sens
Mes paysages
Sur le sol, s’endormir

Des mouchoirs
En cordée de rires
Au vent, s’affolent

Des artères fémorales
Par des phares, éclairées
Jouent les lucioles

Et là dans l’ombre

Des poètes égarés
Les yeux levés au ciel
Commentent mon vol

Pourquoi sont-ils les seuls
À pouvoir me voir ?
À savoir qui je suis ?

 


Catapulte
Ta vie s'élance
Bien plus vite que tu ne l'aurais voulu
Ton esprit concentré est comme retenu
Pierre d'enfance
Tu exultes
 
Arc-bouté
Tu aimes surtout tes doutes
Ceux qui ralentissent ton brouhaha
Ceux qui porteront au loin ta voix
Ton corps en soute
Ramassé 
 
Élastique
En toi cette tendresse
Ta colère qui en devient foi, puissance
Tu retrouves dans l'amour, l'innocence
Écho à ta délicatesse
Ta musique 
 
Tu te lances vers l'horizon bleu
Tes mains loin de tes yeux
Visant le plus beau paysage
Tu touches l'âme de ton ouvrage
 
Catapulte et arc-bouté
D'un élastique tu lances
Ta pierre
À l'édifice apportée
Pour ta naissance

Te pointe une aiguille
Te lance d'une vive douleur
Te pousse à la vie
Te retourne sans peur

Tes bouées ont la forme de bras
L'océan s'est glissé et bat en toi

Te calme de mains amies
Te remonte le fil patiemment
Te déloge à coups d'ici
T'apaise rien qu'en nommant

Tu explores ce chemin inattendu
L'amour te guérit par son absolu 

Te prend le morceau douloureux
Te le caresse d'un regard tendre
T'ouvre la cage où il te pleut
Te cautérise, souffle les cendres

Remercie cette douleur enseignante
Ce phare qui t'éclaire sans attente

Telle une fleur majestueuse qui plie
Entre ciel trop bas et horizon fiévreux
Ses pétales rouges te sont poésie
Le don est en elle floraison de feux

 

 

 
Il y a comme un appel
Du fond
De ce creux là
Au fond de toi
Quelque chose qui parle
Qui voudrait modeler ton réel
À son image
À son besoin
C'est un appel de fond
Qui te vient de l'enfance
De cette urgence à être
Avec cette conscience
D'être trop petit
Impuissant à agir
Un appel au fond
Qui réclame l'écho de son cri
Pour retrouver à la surface
Un peu de sa consistance
L'impression d'être dans ce monde
Une pièce avec un nom
Un appel d'un fond au fond de toi
Une façon d'être, de faire et de dire
Qui porte ton nom
Et le relief de ton histoire
Qui porte ta palette
Ta composition
Un appel du plus profond
Qui voudrait creuser dans le monde
Une entaille
Un sillon
Quelque chose qui dirait
Autre chose que l'apparence
Que ce qui paraît action
Autre chose que la puissance
L'évidence ou le parfum du commun
Un appel qui ferait réagir
Qui serait étonnement
Ou question
Un appel du fond du fond
Pour dire ton profond
Le profond
Le profondément vivant
De ce que tu vis
Au fond
 

 
Ta langue déforme patiemment
Le tapis de ton existence
Créé cette ondulation du temps
Cette invisible espérance 

Ton piédestal pris dedans
Ta langue te couche illisible
Toi qui te pensais savant
Te voici incompréhensible 

Accepte qu'il y a là matière à rire
Et qu'autour chacun fait semblant
Puisqu'il nous faut bien aimer et mourir
Nos langues retiennent nos élans 

Posées sur le tapis, elles déroulent
Des mots qui t'élèvent sans un bruit
Des noms à ton visage dans la foule
Et dedans ton âme à l'infini 
 
 
 

Entrebaillés
Tes yeux perçants
A travers le volet
Regardant tout de loin
Ton coeur
Plié
Sur lui-même 
 
Entrebaillée
Une fente
Que tu maintiens
Serrée
Ta douleur
Ta joie
Ton secret
 
Entrebaillé
Tu restes immobile
De la mort enveloppé
Quand la vie est une mue
Tu te voudrais insensible
Et en ouverture mesurée
Quand l'amour est une crue
Qui voudrait t'emporter 
 
Entre
Cesse de bailler
Tu es si fatigué
De n'avoir pas commencé
Entre
Cours et cours
Vaille que vaille
La vie à tes pieds
Deux paires d'ailes
De la mort parée 
 
Libre
Tu peux
Maintenant
Sans détour
De ta vie à la vie
Entre-voler
 

Incroyable
Ce que la vie est double
Ce qui, d'un rien l'abîme
Cette profonde enclume
Qui ne te quitte plus

Incroyable
Ce qu'il te faut déployer en toi
Pour creuser le tombeau
Sans y perdre la joie
L'innocence irraisonnée
Que cette eau trop claire
Cherche à te cacher
Ce fond grouillant
Dans le noir, la poussière 

Incroyable
Cet amour qui se dresse
Devant le danger
Comment en plein désarroi
Tu le sens t'empoigner 

Incroyable
Sa force dans le combat
Sa tendresse tigresse
Qui défend la vie
Ton incisive faim
Malgré la souffrance
De tes mouvements

Incroyable
Ce chagrin qui s'écume
Cette tristesse comme un filet
Traîné derrière toi
Qui s'embrouille à chacun de tes pas

Incroyant
Tu en deviendrais presque aveugle
Sourd aux lumières
Aux murmures du vent
Tu te coucherais bien sous la meule
Sans y voir un destin
Sans y sentir notre parfum

Croyant
Tu aspires chaque goutte
Chaque grain
Le collier et le pain
Malgré la douleur
Tes doutes font un chemin 

Croix
Tu as compris
Il n'y a pas de question
De lignes dans tes mains
Seulement une lumière
À tenir, à veiller
À nourrir d'histoires et de liens

Seulement une lumière
Toi et moi
Nous le savons bien

Un lac reflétant
Le blanc du ciel
 
Encerclée
La page
Creuse et liquide
Glisse
À l'horizontal 
 
À la recherche d'un fond
J'enfonce mon être
Pénétrant des eaux opaques
Et sablonneuses
 
Une vase argileuse
Que je voudrais modeler
M'apprend
Le goût
De sa consistance
Je comprends
Du toucher
Son langage
 
Mon obstination est limon
La vase insondable
Au milieu de l'abîme
Fait de mon désir
Un enfouissement 
 
Ma barque survole
Un brouillon d'ailes
Troublés, des nuages
En vagues silencieuses
Ouvrent mon passage
 
À la surface
Je me laisse traverser
Sans rien à retenir
Ni empreinte à dessiner 
 
Une peau lourde
Que je voudrais revêtir
Se devine
Je touche le son
De son étendue
Je comprends à l'œil
Sa mélodie
 
Ma légèreté est élévation
Mon éphémère sillage
À travers la matière
Fait de ma vie
Une calligraphie