Les regrets dans tes yeux
Forment des planètes lointaines
Tu exiles ta douleur
En imaginant qu'un autre vienne
 
Suspendu à de mortes étoiles
Tu marches à l'envers
Et le temps fait dans ta peau
Des trous de revolver 
 
La vie comme une fleur
S'épanouit au printemps,
Meurt en hiver
Ne vois tu pas comme
elle tourne aussi bien
Dans tes joies,
Tes colères ?
 
Comme toi, j'ai lutté
De toutes les manières
Avant de me reconnaître
Fait de toutes les saisons
Offrant mes bourgeons
À la lumière
Mes pourrissements
À l'oraison

Trouver sa place
Malgré la fugacité de l'existence
Vouloir planter ses mains
Dans le tendre et le profond
Comme on prendrait
Revanche
De notre première expulsion


Chercher l'empreinte
La trace laissée ici


Trouver sa place
Dans le hasard et l'évidence
D'une rencontre ou d'un écho
Comprendre le pourquoi
De cette violence
Ces coups d'épée dans l'eau

 
Croire en l'autre
Et en notre reconnaissance


Du monde, faire corps
Dans le bruit et le silence
Comme on ferait
Réparation
Au cri de notre première
Naissance 


Dans l'amour,
Savoir s'éparpiller
Sans perdre l'horizon
Comme on tenterait
Une réconciliation


Trouver sa place
C'est peut-être accepter
De se rencontrer
À plusieurs endroits
De nos sombres délits
À nos claires joies

Notre violence 
Comme un besoin 
De la force à bout
Tournant dans le sang

Cherchant un but
L'appétit, la fièvre
D'un volcan ou d'un loup 

En conscience 
Pouvoir dire 
Nous avons vécu 
Au delà de nous

Piété du corps pétri 
Du meilleur, du pire
Oh oui mon amour
Se dire comme 
Nous avons vécu 

Toujours au dessus 
des cîmes 
Souvent au-dessus 
De nos moyens
Pas toujours hors
De nos abîmes
Notre violence 
Comme un besoin 

De l'amour perdu
Entre nos mains
Puis à perte, aimer
Le mystère, le divin
Comme 
Nous avons aimé 
Être combustible 
Et brûler du trésor
La carte, le chemin

Vouloir éclairer
La nuit
Désirer déteindre 
Du jour
Oh mon amour 
Comme nous avons vécu 

Naître et mourir 
De cet élan superbe
De cette espérance
Infinie
Comme nous avons 
Aimé
Ne plus rien pouvoir
Retenir
Quel qu'en fut
Le goût 
Quel qu'en soit
Le prix

Notre violence
Comme un besoin 
D'amour 
Une réponse 
À notre insuffisance 
À ne pouvoir aimer 
Qu'en vain

Oh oui mon amour
Se dire comme 
Nous avons vécu 
Au delà de nous

Toujours au dessus 
des cîmes 
Souvent au-dessus 
De nos moyens
Pas toujours hors
De nos abîmes

Notre violence 
Comme un besoin 
On ne se comprend pas 
On se parle
Mais les mots échouent
À dire l'essentiel 
À dire précisément 
Tout ce que l'on voudrait dire

Le compliqué 
En soi
Ce que l'on voudrait pouvoir 
Tout de même 
Traduire
Transmettre
Tout ce qui explique 
Le comment et le pourquoi 

Nos pensées se diluent
Dans le flux de la conversation 
Et ce qui les faisait nôtre 
Est délavé par le courant
Reste entre nos mains
Un étrange limon

On ne se comprend pas 
On s'élance
Mais les phrases s'entassent
Et leurs coques prennent l'eau 
Nos mots sont des bouées
Insuffisamment gonflées 
Le naufrage est inévitable
Mais nous continuons 
D'heller
D'épeler
De peler
La croûte épaisse qui nous entrave
Le brouillon raturé de notre cri

Nous continuons
Car notre besoin de partage
Est immense
Nous vivons sans patience 
en portant 
Le rêve d'un rivage

Dans notre coeur, 
L'espoir d'une île
Sur son sable blanc 
Vouloir qu'un autre
Qui nous ressemble 
Ait tracé en grand :

Je te reconnais 

 Retourner les cartes

 
Il s'agit d'accepter de regarder
Derrière l'espoir
 
En vrai
Comme tu es laid
Comme tu es petit
Derrière tes rêves de gloire
Derrière tes idées de génie 
 
Vouloir aimer ainsi
Vouloir être aimé comme ça
Ravale ton sourire
Vois comme la honte te saisit
Et sens la colère monter en toi
 
Tu es mauvais joueur
Tu accuses la vie
Mais la vie n'est pas à ton service
Reine de cœur ou valet de pique
La vie te trèfle d'une seule feuille
 
Tu voudrais avoir une meilleure main
Et du sang rouge dans les veines
Mais la question n'est pas de savoir
Si tu as plus ou moins de jeu
Qu'un autre
Tu es bien arrogant dans ta prière
Et ta vue bien mauvaise à l'envers
 
Retourne tes cartes
Et accepte que ce soit les tiennes
Que de près comme de loin
Tu ne sois ni l'as plein
Ni le roi soleil
Derrière l'espoir
La lucide clairière
Le sombre chemin
 
En vrai
Tu es beau et tendre
De ton humble misère
En vrai
Point de rêve
sans un peu de toi
Lesté sur le carreau
Et des piques au travers
 
Couche toi quand tu perds
Mais pioche ta relève
Le monde n'a pas besoin
D'autre héros
Qu'un cœur vaillant
Posé sur la main
 

L'art de vivre

Être du tableau l'encadrement
Vivre sur les bords
Retenir ce qui peut l'être
Ressentir tout très fort
La beauté que l'on enserre
Celle qui appartient au créateur
Celle de tes yeux qui cherchent
Sur la toile et au dehors 

Être de cet amour l'écrin
Celui qui convient
Enfanter la mémoire d'un instant
Lui donner corps, encore
Même une fois passé
le temps d'aimer
Même une fois tout enseveli
sous un drap blanc
Savoir vivre avec l'empreinte

Autour de ce filigrane,
écrire
À partir du croquis,
peindre
La joie
Le désir
Ta voix
Ton sourire

Comme un tableau à la beauté
rare et inestimable
Que l'on encadre en ouvrant
grand ses bras
Que l'on accueille en lui créant
une place à l'extérieur
Et au dedans de soi
Être de la vie, l'enchantement
Sans les autres je ne suis rien
Pas même un début ni une fin

Sans toi devant, je ne me vois pas
Une taupe forant un ciel trop bas

Je suis seule et aussi plusieurs
Au dehors comme à l'intérieur

Le silence précieux de la terre
Puis une forêt sortant de l'hiver

Sans les miens je n'ai pas d'histoire
Et dans ce triste monde aucun espoir

Sans tes mains, je n'ai pas de corps
Une cabane flottant dans le décor 

Je suis né d'un foisonnant chaos
En être creux, je me nourris d'échos 

La canopée m'attire, le sol me leste
Votre amour emboussole mes gestes

Sans vos mots butinant ma bouche
Je perds le chemin de ma ruche

Sans ton amour et notre désir d'altitude
Je sombre dans le reflet de ma solitude