Ta langue déforme patiemment
Le tapis de ton existence
Créé cette ondulation du temps
Cette invisible espérance 

Ton piédestal pris dedans
Ta langue te couche illisible
Toi qui te pensais savant
Te voici incompréhensible 

Accepte qu'il y a là matière à rire
Et qu'autour chacun fait semblant
Puisqu'il nous faut bien aimer et mourir
Nos langues retiennent nos élans 

Posées sur le tapis, elles déroulent
Des mots qui t'élèvent sans un bruit
Des noms à ton visage dans la foule
Et dedans ton âme à l'infini 
 
 
 
Entrebaillés
Tes yeux perçants
A travers le volet
Regardant tout de loin
Ton coeur
Plié
Sur lui-même 
 
Entrebaillée
Une fente
Que tu maintiens
Serrée
Ta douleur
Ta joie
Ton secret
 
Entrebaillé
Tu restes immobile
De la mort enveloppé
Quand la vie est une mue
Tu te voudrais insensible
Et en ouverture mesurée
Quand l'amour est une crue
Qui voudrait t'emporter 
 
Entre
Cesse de bailler
Tu es si fatigué
De n'avoir pas commencé
Entre
Cours et cours
Vaille que vaille
La vie à tes pieds
Deux paires d'ailes
De la mort parée 
 
Libre
Tu peux
Maintenant
Sans détour
De ta vie à la vie
Entre-voler
 
Incroyable
Ce que la vie est double
Ce qui, d'un rien l'abîme
Cette profonde enclume
Qui ne te quitte plus

Incroyable
Ce qu'il te faut déployer en toi
Pour creuser le tombeau
Sans y perdre la joie
L'innocence irraisonnée
Que cette eau trop claire
Cherche à te cacher
Ce fond grouillant
Dans le noir, la poussière 

Incroyable
Cet amour qui se dresse
Devant le danger
Comment en plein désarroi
Tu le sens t'empoigner 

Incroyable
Sa force dans le combat
Sa tendresse tigresse
Qui défend la vie
Ton incisive faim
Malgré la souffrance
De tes mouvements

Incroyable
Ce chagrin qui s'écume
Cette tristesse comme un filet
Traîné derrière toi
Qui s'embrouille à chacun de tes pas

Incroyant
Tu en deviendrais presque aveugle
Sourd aux lumières
Aux murmures du vent
Tu te coucherais bien sous la meule
Sans y voir un destin
Sans y sentir notre parfum

Croyant
Tu aspires chaque goutte
Chaque grain
Le collier et le pain
Malgré la douleur
Tes doutes font un chemin 

Croix
Tu as compris
Il n'y a pas de question
De lignes dans tes mains
Seulement une lumière
À tenir, à veiller
À nourrir d'histoires et de liens

Seulement une lumière
Toi et moi
Nous le savons bien