Te pointe une aiguille
Te lance d'une vive douleur
Te pousse à la vie
Te retourne sans peur

Tes bouées ont la forme de bras
L'océan s'est glissé et bat en toi

Te calme de mains amies
Te remonte le fil patiemment
Te déloge à coups d'ici
T'apaise rien qu'en nommant

Tu explores ce chemin inattendu
L'amour te guérit par son absolu 

Te prend le morceau douloureux
Te le caresse d'un regard tendre
T'ouvre la cage où il te pleut
Te cautérise, souffle les cendres

Remercie cette douleur enseignante
Ce phare qui t'éclaire sans attente

Telle une fleur majestueuse qui plie
Entre ciel trop bas et horizon fiévreux
Ses pétales rouges te sont poésie
Le don est en elle floraison de feux

 

 

 
Il y a comme un appel
Du fond
De ce creux là
Au fond de toi
Quelque chose qui parle
Qui voudrait modeler ton réel
À son image
À son besoin
C'est un appel de fond
Qui te vient de l'enfance
De cette urgence à être
Avec cette conscience
D'être trop petit
Impuissant à agir
Un appel au fond
Qui réclame l'écho de son cri
Pour retrouver à la surface
Un peu de sa consistance
L'impression d'être dans ce monde
Une pièce avec un nom
Un appel d'un fond au fond de toi
Une façon d'être, de faire et de dire
Qui porte ton nom
Et le relief de ton histoire
Qui porte ta palette
Ta composition
Un appel du plus profond
Qui voudrait creuser dans le monde
Une entaille
Un sillon
Quelque chose qui dirait
Autre chose que l'apparence
Que ce qui paraît action
Autre chose que la puissance
L'évidence ou le parfum du commun
Un appel qui ferait réagir
Qui serait étonnement
Ou question
Un appel du fond du fond
Pour dire ton profond
Le profond
Le profondément vivant
De ce que tu vis
Au fond
 

 
Ta langue déforme patiemment
Le tapis de ton existence
Créé cette ondulation du temps
Cette invisible espérance 

Ton piédestal pris dedans
Ta langue te couche illisible
Toi qui te pensais savant
Te voici incompréhensible 

Accepte qu'il y a là matière à rire
Et qu'autour chacun fait semblant
Puisqu'il nous faut bien aimer et mourir
Nos langues retiennent nos élans 

Posées sur le tapis, elles déroulent
Des mots qui t'élèvent sans un bruit
Des noms à ton visage dans la foule
Et dedans ton âme à l'infini 
 
 
 

Entrebaillés
Tes yeux perçants
A travers le volet
Regardant tout de loin
Ton coeur
Plié
Sur lui-même 
 
Entrebaillée
Une fente
Que tu maintiens
Serrée
Ta douleur
Ta joie
Ton secret
 
Entrebaillé
Tu restes immobile
De la mort enveloppé
Quand la vie est une mue
Tu te voudrais insensible
Et en ouverture mesurée
Quand l'amour est une crue
Qui voudrait t'emporter 
 
Entre
Cesse de bailler
Tu es si fatigué
De n'avoir pas commencé
Entre
Cours et cours
Vaille que vaille
La vie à tes pieds
Deux paires d'ailes
De la mort parée 
 
Libre
Tu peux
Maintenant
Sans détour
De ta vie à la vie
Entre-voler
 

Incroyable
Ce que la vie est double
Ce qui, d'un rien l'abîme
Cette profonde enclume
Qui ne te quitte plus

Incroyable
Ce qu'il te faut déployer en toi
Pour creuser le tombeau
Sans y perdre la joie
L'innocence irraisonnée
Que cette eau trop claire
Cherche à te cacher
Ce fond grouillant
Dans le noir, la poussière 

Incroyable
Cet amour qui se dresse
Devant le danger
Comment en plein désarroi
Tu le sens t'empoigner 

Incroyable
Sa force dans le combat
Sa tendresse tigresse
Qui défend la vie
Ton incisive faim
Malgré la souffrance
De tes mouvements

Incroyable
Ce chagrin qui s'écume
Cette tristesse comme un filet
Traîné derrière toi
Qui s'embrouille à chacun de tes pas

Incroyant
Tu en deviendrais presque aveugle
Sourd aux lumières
Aux murmures du vent
Tu te coucherais bien sous la meule
Sans y voir un destin
Sans y sentir notre parfum

Croyant
Tu aspires chaque goutte
Chaque grain
Le collier et le pain
Malgré la douleur
Tes doutes font un chemin 

Croix
Tu as compris
Il n'y a pas de question
De lignes dans tes mains
Seulement une lumière
À tenir, à veiller
À nourrir d'histoires et de liens

Seulement une lumière
Toi et moi
Nous le savons bien