Gutturale
La révolte
Sous l'épiderme
Creuse
Gratte
Ta gorge
En souterrain

Ta voix
Irruption
D'un forage
Se fait terreuse
Métallique
Lourde de caillasse
Éraflée de bris de verre
Chargée de tanins

Gutturale
Cette voix
Et sa litanie
De phrases
Sans fin
Mangées en partie
Par le soufre d'un râle

Gutturales
Mâchetés
que ta bouche
Malaxent
Des mots d'encre
Transformés en bouillie
Perdant sens
Sans perdre force

Cette révolte
Est une menace
Poudrière
Elle nous soulève
Et en battements
Élève nos joies
Prisonnières
Distillant nos désirs
Libèrant nos alcools
Nos éthers

Gutturale
La rage qui dit
Les affronts
Les agressions
Les savons lubrifiant
Nos pistes de réflexion
Ce dégoût éructant
Par ta voix
Et à l'intérieur
Nues
Les routes effritéés
De ton doute

Soudain
Sortant en déraison
La force répulsive
De nos centrifugeuses
Cardiaques
Le blanc jaunâtre
De nos crachats
Cette honte
Collée aux cheveux
Et ces têtes coupées
À nos anciens jeux
Où s'envolent frêle
La douleur de nos dissonances

Guttural
Le bruit du bâillonnement
De nos libertés
Notre colère qui frappe
Déchire
Expulse
Dégueule
La veine cave
Le grenier sombre
L'écho du premier
Appel

Guttural
Est le cri
Qui nous délivre
De l'oubli
Brûlant de mots
Les flammèches
Imbéciles
D'une révolte
Sans désir

Gutturale
Fait le bruit
De nos corps réunis
L'accord
De nos désacordages
Rien ne restera
Pas une trace à chérir
Mais planté profond
Un hameçon
En chacun
Un espoir maigre
Et noir fumant
Un air entêtant
Et par nous tous reconnu

Ne gardons rien
Expulsons
Ensemble
Le meurtrier
Visage
De ce monde
Estropié
Et déshabillé
Du sensible

Gutturale
Est un chant
Amphibien
Sortant d'eaux usées
Se dressant
Vertèbre après vertèbre
Glaire après glaire
Débutant une marche
À contre jour
Dans le reflet aveuglant
D'un soleil suffocant
Portant haut la violence
Suicidaire
D'un monde pré-amnésique
D'une attaque auto-immune
Du désert où erre encore
Patibulaires
Nos désirs d'être

Guttural comme un bercement
À nos peines inconsolables
Nos solitudes irrémédiables
À notre besoin d'être pris et compris
Pour ce que notre valeur
Non marchande
Dit de nous
Nous
Les non marchants
Marchandant pourtant
Avec la vie

Guttural
Ton besoin de crier
De danser
De défier le nez et la barbe
Des prédateurs
De raser d'une lame
Leur avidité vulgaire

Guttural
Nos joies en communion
Toucher ensemble
La violente tendresse
De nos corps accordés
Juste ce qu'il faut
Pour donner à la même heure
Cette huile sur nos oxydes
Cette ivresse nécessaire
À la confrontation
D'avec nos peurs
Nos peurs sans voix
Nos peurs
Gutturales



Le poème silencieux
Celui que l'on a pas écrit
Celui qui ne sera pas lu
Celui qui par son absence
Fait naître le désir d'un autre


Cet autre qui parlerait
De cette absence
De ce manque
Faisant naître le rêve
De le faire advenir
Ce rêve fou
De le voir ressusciter
De cette absence même de vie


Notre rêve
D'un poème qui pourrait
Tout dire
Dire tout
Mettre les mots justes
À la juste place
Dire au plus près
Ces maux 


Toucher
Par son absence
Ce vide-là
Ce rien qui passe
Quand tout se retient
Quand ce rien habite
Pleinement le plein
Le tout de nos vies 


Un poème
Au cœur de silence

 


Tu n'as plus qu'à rentrer 
En toi
Tes impossibles 
Tes illusions 
En faire un dédale 
D'images et de sons

Ce soir 
Tu pourras visiter ce musée 
Surréaliste 
Qui affiche
Tes risibles projets
Tes timides excursions

Tu te promèneras dans des jardins
de souvenirs et d'avenirs avortés
Que des branches 
Illusions d'optique 
Relient entre elles

Retrouver pour soi
Ce que ses yeux promettaient
De joie
Ce qu'il y avait de désirs à rêver 
En barque pour le corps
En bois tendre pour s'étendre 
Ces îles aperçues
À la longue-vue
Ce début tellement riche
Et déjà 
Perdu

Ton musée est exposition 
Universelle 
Tes amours, tes peines
N'ont rien d'exceptionnelles
Si ce n'est qu'elles modèlent
Ton corps qui te sert ensuite
À modeler ces vues
Pareillement à tous
Et depuis la nuit des temps

Rentre chez toi
Comme dans un moulin 
Broyant les grains de l'été
Es-tu peau?
Es-tu levain?
Laisse l'eau lubrifier 
Tes rouages
Et tourner ton temps
Au naufrage 

Demain 
Est à guichet fermé 
Il faudra t'occuper 
Autrement 


Il est des jours
Qui ne se lèvent pas
Rasant de lumière
L'horizon
Sans défaire ta nuit

Il est des jours
Où meurt le lierre
Qui étreignait tes murs
Privant tes pierres
De leurs jolis papillons

Des jours
Sombres à midi
Sans espérance
Ni fond
Tout en mélancolie

Des jours
Qui se font nuit
Serrant fort
De solitude
Ton corps évanoui

Il est des jours
Où l'on voudrait
Que rien ne soit finit
Qu'un matin ensemble
Nous serions repartis

Un refuge
Une cabane
Un abri
À l'abri
Du bruit
Du chaos
Que font les mots
Quand ils ne peuvent
Rien changer
Des bleus
Noirs
Sur la peau
Dure

Un refuge
Un nid
Une caresse
Une enveloppe
Sur nos corps nus
Enfouir ma tête
Dans le sable fin
De ton épaule
Y réchauffer
Nos froides saisons
Celles des dons
Attendus
Jamais venus
Qui nous laissés
Tremblants
Au dépourvu 

Un refuge
Un contenant
Où vivre le présent
Un espace
Fourmillant
Une ruche
Aux portes de lumière
Loin des perforations
Des effractions
Blinder d'or
L'absence de retenue
De protection
Au dedans au dehors
Être pleinement vivant

Un refuge
Un temps suspendu
Un instant de plus
Pour partager le pain
Ta compagnie
Ton abri
Ton temps
Marcher
À tes côtés
Imaginer
Bâtir
Un poste d'observation
Entendre
Réécrire
La symphonie
De nos enfances
Creuser
En nos îles
Un doux silence
 
Un refuge
Une couverture
Un toit à notre besoin
De consolation
Retrouver
Sous les écorchures
Nos rires
Ta faim
Ma déraison
Notre tendresse
Comme
Un agrandissement
Une ouverture 
 
Cabaner
Doucement 
et commencer
Dans l'embrasure
À aimer
Un peu

Mieux