Sur le plancher de la Terre
Sous le poids incommensurable
De l'océan
Règne la nuit aquatique

Dans ce noir poussiéreux
Éteint
La vie se cache dans
La lenteur d'un mouvement
Dans la laideur d'une ombre
Grasse
Dans l'épilson invisible de cette
Eau lourde
Qu'on imagine inerte et infertile

Dans cette mémoire
À retardement
Au fond de cette fine nasse
Se dépose avec la délicatesse
D'un pétale quittant sa rose
Le résidu d'une violence
Ancienne
Le reliquat d'une surface
Amnésique

Quand j'étudie par ce prisme
Ma conscience
Je reconnais le bien précieux
De cette connaissance
Comprends que là
Où se concentre le profond
De toute chose
Subsite le minuscule battement
Du doute
Que dans ce noir silence
Résonne l'effroyable fracas
De tous mes atermoiements
Et qu'il me faudra
Puiser en ce lourd fardeau
La force de croire
À la vie sans la voir
Le désir de creuser
Pour chacun de mes pas
Une empreinte silencieuse
Et invisible

Habiter cette foi sans lumière
Et croire
Au mystère des abîmes
C'est découvrir en soi
La beauté
D'un noir fecond
D'une fureur maligne

Noir profond

 
 

 

Plat de la main qui condamne

Sans sourciller

La vie tremble

Ton monde meurt

Et tu es plus petit qu’un enfant

Plus rien qu’une ombre


La mort que tu portais en toi 

S'ouvre, se répand

Dans le noir

Tu vois maintenant des nuances


Rien ne meurt

Sans se déployer

En éventail

Le souffle porte en lui

Son manque d'oxygène.


Ta peur, palpable et sonore

Fait trembler ton être

Tu vacilles comme l'immeuble

Dans un séisme

Tu tombes comme la feuille

D'un arbre secoué

Inéluctablement ta mort s'étend


Que ce soit en seconde, en minute

Parfois en heure, en jour ou en mois

Il y a cet effondrement

Cet effroi

Et sur le tissu se referment tes doigts courbes


Tu meurs

Non sans vivre cette mort

Tu goûtes à l'odeur du pourrissement

À l'impact de la balle

Tu es réfractaire ou résistant

Tu es soumis au vent

Tu n'es bientôt plus rien, 

Que cette mort qui t'enveloppe et te contient.


La vie, frêle lueur, n'a plus de couleurs

Et pourtant, puissante

Elle anime ton sursaut

Muscle ta défaite

Arrondit tes angles


Tout

Pourrait passer de justesse

Tout

Pourrait tenir le déséquilibre

Mais en elle

La vie se sait mortelle

Chaque pas est un aveu

Chaque poème

Une goutte qui déborde

 

L'écharpe que tu traînes trace ton chemin

S’imbibant du poussiéreux présent

S'alourdissant de regrets avariés. 


Quand tout ignore tout

Tu ne vis pas plus

Tu vis moins

La conscience te fait percevoir les nuances

 

La vie se démène

Pour danser sans à-coups avec la mort. 

Cette danse-là

Tu voudrais en capter la beauté

Aussi affreuse soit-elle


Il y a dans tout danger

Une ligne de fuite

Un geste machinal

Toute une vie qui cliquette sous la tempête

 

La beauté que la mort fait

En claquant des dents 

Est une écharpe lourde

Que tu traînes à même le sol


Il ne s'agit pas de te retenir

D'exulter la poussière d'étoiles en toi

Il s'agit de comprendre les vases communicants

Dialoguant ensemble

L'échange fluide de leur conversion


Quand la vie se transforme en noir profond