2021

 
Je ne trouve plus de sens à ma rivière 
et l'eau trouble où tu m'as plongé hier
n'a que faire de l'absence

Tout me ramène à cette enfance cachée entre nos paupières
Je suis une fièvre émoussant des rochers centenaires. 
 
Nourrie par tes mots, 
algues tournoyantes sous ma surface, 
je n'ai que faire des courants, de la manière.
Je ne suis plus qu'une eau vive sans raisonnement.
 
Un fluide transparent attirée par la lumière 
des failles qui te fendent. 
Troublée depuis que tu as touché ma nature alcaline, 
je tourbillonne dangereusement. 
 
 
Toi, parce que tu as le goût du sel, 
je voudrais te connaître.
C'est une vieille femme, presqu'une ombre
Un accordéon qui siffle quand on le replie.

Son être se courbe sous le poids de l'âge,
Il connaît ses gammes et sait se jouer de la douleur.
Tout le jour lutter pour repousser la nuit

C'est une vieille femme, presqu'un songe
Une panoplie de souvenirs suspendus
dans une vaste penderie

Le temps est devenu pour elle un grand hall
et il lui suffit d'un prénom ou d'un lieu
pour remonter le temps

C'est une vieille femme, presqu'un sciècle
Sa voix fragile et hésitante porte les empreintes
des disparus, des oubliés,
de ceux partis trop tôt, de ceux qui n'ont vécus qu'en secret.
Une ritournelle avec des airs entêtants 
qui s'accrochent à ses poignées.

Ses silences sont de fines pluies ou de lourdes averses,
larmes d'un bâillement du cœur 
ou chagrin d'une déchirure pneumonique.

C'est une vieille femme, presqu'un mirage
Sa peau, contrées en relief raconte les étreintes de l'été,
les contraintes de l'hiver,
le papier à grain de l'amour et de la mort mélangés,
les sentiers qu'elle a dû creuser de ses mains.

Sur ses joues, des roses roses séchées.
Le rose des baisers, les plis d'anciennes fièvres,
la soie de délicieuses caresses,
les ronces de l'amertume et des regrets

C'est une vieille femme, presqu'un atlas
Sous ses yeux, des fleuves et des rivières,
Ruisseaux de joies et de peines.
Veines d'eau irriguant un océan de paysages immortels,
de chemins de terre, de maisons biscornues,
de pentes à vélos, de rues ensoleillées

C'est une vieille femme qui se replie
Un accordéon qui siffle ses dernières notes
Son être se creuse en voûte céleste
pour abriter la petite fille qui aimait la mer,
son cheval et la menthe sauvage,
pour abriter le monde et ses mystères
 
J'ai le cœur éponge qui déraille
Une mer en moi couleur corail
Du sang dans les branches
Et l'amour qui s'enroule, s'épanche

J'ai le cœur éponge qui déraille
Un océan d'émois à lire en braille
De l'amour rouge affranchi
Que nos mains dessinent à l'infini


 
Nous sommes semblables

Nous portons en nous, dans la matière 
et dans l'esthétique même de nos corps,
les mêmes proportions

C'est également une même répartition d'ombre et de lumière

Une ligne de fuite commune sur et entre le visible et l'invisible 
de nos êtres en mouvement

C'est toujours un équilibre entre le poids de nos masses, 
un rapport identique entre nos forces d'attraction terrestre 
et nos sources de propulsion extra-terrestre.

C'est enfin une harmonie entre nos multiples dimensions

Une alchimie donnant à nos singularités l'éclat d'une même joie
comme autant de miroirs sur une boule à facettes


Marin d'une ville endormie
Tu navigues à vue et à vie
Sur une une bande passante
Qui te voile d'ombre grandissante
Ton rêve est un poisson à la peau noire et blanche
Qui se faufile dans les filets de ton espérance